Le sort des noirs subsahariens en Libye...

Publié le par NPA 06 Ouest

Sayouba Savadogo, universitaire originaire du Burkina Faso qui s'intéresse aux liens entre l'arabité et l'africanité évoquait le 14 septembre 2011 sur Radio Canada International (dans l’émission Tam Tam) le sort des noirs en Libye et pas seulement depuis la chute de Mouammar Kadhafi. Le racisme à l’égard des noirs est très important dans les pays arabes et on n’en parle que très peu d’après l’universitaire, c’est un sujet tabou depuis toujours. La Libye n’échappe pas à cet état de fait car bien que Kadhafi ne cesse de revendiquer son africanité, sa relation avec les noirs d’Afrique est ambigüe. En effet, parlant des immigrés africains en route vers l’Europe, Kadhafi déclarait avant sa chute « nous ne savons pas si l’Europe restera un peuple uni ou sera détruit comme cela s’est fait avec les invasions barbares».

 

Il ne faut pas oublier en effet qu’il y a beaucoup de noirs non originaires d’Afrique subsaharienne dans les pays du Maghreb et ces derniers se considèrent comme arabes mais il est rare de voir des noirs dans les instances dirigeantes des pays arabes, y compris dans leurs représentations diplomatiques à l’étranger. Voici un extrait d’un texte de 1988 de Louis Blin intitulé « Les noirs dans l’Algérie contemporaine»: «Les Noirs ayant séjourné dans des pays arabes ont souvent de tristes souvenirs à raconter... On peut citer quelques faits parmi d’autres : à Oran ou à Tlemcen, des familles de vieille souche bourgeoise ont encore leur famille de domestiques noirs attitrée ; dans les films algériens tournés au Sahara, tels que ceux de Mohammed Lakhdar Hamina, aucun Noir n’apparaît, ce qui est un oubli probablement inconscient mais révélateur ; des étudiants algériens refusent de partager leur chambre en cité universitaire avec des Noirs, et même de passer des mémoires de fin d’études avec enseignant originaire d’Afrique noire, préférant un Français moins diplômé ; en 1979, le taux de scolarisation dans les cinq départements de I’Oranais s’élevait à 85 %, mais à 50 % seulement pour les Noirs, et les étudiants noirs algériens n’étaient que 5 sur 8000 à l’université d’Oran ; en général, les parents refusent de voir leurs enfants se marier avec plus foncés qu’eux, la pâleur du teint étant recherchée de façon quasi obsessionnelle.». Certes, Il ne s’agit pas dans ce texte de la Libye mais de l’Algérie mais le racisme dans les pays arabes est bien réel, ce qui se passe actuellement en Libye n’est que la version extrême et décomplexée de ce racisme. Le noir est d’ailleurs souvent associé à l’esclave dans beaucoup de pays arabes et le terme pour désigner l’homme noir est souvent « esclave». Dans la conscience collective de beaucoup de pays arabes, l’homme noir est un sous homme. M. Savadogo n’hésite d’ailleurs pas à parler de racisme culturel dans certains pays arabes.

 

En Libye, le racisme exacerbé à l’égard des noirs n’est donc pas une nouveauté. Considérés depuis toujours comme des sous hommes corvéables à merci, les immigrés africains installés en Libye souvent de façon provisoire souffrent en silence depuis de nombreuses années. La chute de Kadhafi n’a fait que révéler au grand jour la haine féroce à l’égard des immigrants africains, haine contenue tant que le dictateur libyen était aux amarres car ce dernier utilisait les immigrés comme un argument vis-à-vis des Européens, faisant de la Libye le dernier rempart contre l’immigration africaine. De plus, parce que Kadhafi utilisait les pétrodollars libyens pour financer gouvernements et politiques de l’Afrique subsaharienne et surtout pour l’avancée de l’union africaine dont il rêvait d’être le Roi, les Libyens ont ressenti comme une grande injustice le fait que les richesses de leur pays aillent financer les ambitions du dictateur en Afrique noire. A cela s’ajoute le fait que Kadhafi a effectivement recruté des mercenaires parmi lesquels des africains noirs mais pas seulement. Il y avait aussi de Libyens noirs originaires du sud ainsi que des arabes d'autres pays. A la chute de Kadhafi, les noirs vont devenir les principaux boucs émissaires et les exécutions ciblées de noirs par les forces du Conseil National de Transition vont devenir la règle. Une véritable épuration ethnique accompagne l’avancée des rebelles dont certains n’hésitent pas à crier tout haut: « plus de noirs en Libye!». Traqués, les noirs subsahariens se réfugient dans des camps de fortune en attendant une improbable évacuation. Bien évidemment, peu d’hommes politiques africains ont dénoncé ce racisme à l’égard des noirs en Libye. Et très peu de pays feront l’effort d’aller chercher leurs ressortissants.

 

Aucune révolution ne peut se construire sur la base du racisme. Il appartient aux nouvelles autorités de la Libye, ainsi que les pays d’Europe qui ont soutenu la rébellion de le rappeler en permanence pour ne pas être complices de ce climat de terreur et de haine qui prévaut pour les immigrés noirs de Libye.

 

Il est peut être temps aussi de poser les vrais questions sur le racisme ambiant à l'égard des noirs subsahariens dans les pays du Maghreb.

 

Moulzo.

Publié dans International...

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