« D’autres bateaux partiront »...

Publié le par NPA 06 Ouest

Entretien avec Thomas Sommer-Houdeville, militant de la Flottille pour Gaza.


Peux-tu nous raconter ce qui s’est passé au large de Gaza dans la nuit du 30 au 31 mai ?

Les bateaux étaient dans les eaux internationales et avaient pour cap Port-Saïd, en Égypte : nous avions décidé de longer le plus longtemps possible les côtes, loin de la « zone de sécurité » décrétée par Israël, avant de mettre au dernier moment le cap sur Gaza. Nous avons alors vu surgir une vingtaine de bateaux de guerre israéliens, que nous apercevions au loin depuis quelques heures, accompagnés d’hélicoptères de combat. Ils nous ont ordonné de nous arrêter et, devant notre refus, ont pris d’assaut les bateaux.

Je me trouvais sur un bateau grec, le Sophia, en compagnie d’environ 25 autres passagers. Plus d’une vingtaine de commandos israéliens, masqués et lourdement armés, ont débarqué. Nous avons formé un groupe compact autour de la cabine du capitaine. Ils ont sorti des tasers et ont tiré sur quatre ou cinq d’entre nous, qui se sont écroulés et se sont fait violemment tabasser. Les commandos nous ont alors braqués avec leurs armes lourdes et ont menacé de tirer dans le tas. Ils ne plaisantaient pas. Nous avions entendu les coups de feu et les explosions sur le bateau turc.

 

Nous n’avons pas insisté, ils ont pris le contrôle du bateau, direction Ashdod.

À ton arrivée en France, tu as accusé les autorités françaises de t’avoir « abandonné ». Que veux-tu dire par là ?

Entre le moment où nous avons été arrêtés (lundi) et mon retour en France (jeudi), j’ai reçu une visite de cinq minutes d’un vice-consul, fort sympathique au demeurant, mais vu ce qui s’est passé par la suite, nous avons compris qu’il n’avait aucun pouvoir. Alors quand j’apprends que Kouchner explique qu’ils ont tout fait pour nous faire sortir et que nous avons même mangé avec le consul, je peux être énervé, non ? Avant d’être expulsé, je me suis retrouvé, sans passeport, dans un centre de détention, avec les Grecs. Alors que l’ambassadeur grec était présent, les autorités françaises ne se sont jamais signalées.

Il a fallu que l’ambassadeur grec intervienne pour que je téléphone au vice-consul, qui m’a dit qu’il me cherchait. Il a demandé par téléphone à pouvoir nous rencontrer dans le centre de rétention. Devant l’ambassadeur grec et moi-même, l’officiel israélien lui a répondu qu’il ne mettrait pas un pied dans le centre et lui a raccroché à la gueule. C’est la dernière fois que j’ai parlé avec un responsable du consulat à Tel-Aviv. À l’heure actuelle, personne n’a repris contact avec moi.

L’ambassadeur grec a pris la responsabilité de m’embarquer à bord de l’avion qui partait vers Athènes, mais il avait besoin d’un laissez-passer de l’ambassade de France à Tel Aviv. Il a insisté pendant trois heures et n’a rien obtenu. Il a finalement reçu un accord verbal de l’ambassade de France… à Athènes ! Cerise sur le gâteau : les représentants des autorités françaises à Athènes, après nous avoir accueillis, nous ont signifié que nous devrions payer nos billets d’avion pour Paris et nous ont même demandé de régler l’hôtel, alors que nous n’avions plus rien, ni papiers, ni argent ! Finalement ils ont payé l’hôtel. Mais pas l’avion…

Tenteras-tu de retourner à Gaza ?

Évidemment ! Les raisons qui nous ont poussés à organiser cette flottille sont toujours là. Le blocus de Gaza se poursuit, 1, 5 million de personnes sont en train de crever, et la « communauté internationale » ne fait rien. L’ONU, l’Europe, la France… disent que le blocus doit être levé. Qu’ils agissent ! Tant qu’ils ne feront rien, tous ceux qui trouvent que cette situation est insupportable agiront. Je peux vous annoncer que d’autres bateaux partiront et que nous organiserons un bateau depuis la France.

Il faut agir et mettre fin une bonne fois pour toutes à l’impunité d’Israël. Si la France n’a rien fait pour nous, c’est parce qu’elle ne veut pas froisser l’ami israélien. Or il est clair que tant que l’État d’Israël ne sera pas isolé, sanctionné, il ne changera rien à sa politique. Nous n’avons pas le choix : tenter, par tous les moyens, de retourner à Gaza pour briser le blocus, et développer la campagne BDS afin qu’Israël paie enfin le prix de sa politique criminelle à l’égard des Palestiniens.

Propos recueillis par Julien Salingue.

Publié dans International...

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