Regards : Amandla contre le néolibéralisme...

Publié le par NPA 06 Ouest

Image Regards : Amandla contre le néolibéralisme

 

Militant étudiant dans les années 1980, Brian Ashley rompt avec la société blanche du Cap et devient membre du Congrès national africain (ANC). Réfugié au Zimbabwe, il rejoint l’Afrique du Sud, où il devient clandestin. Rédacteur en chef de la revue mensuelle, Amandla, Brian est aussi membre du Comité de solidarité avec la Palestine (PSC). Nous l’avons rencontré lors du festival de cinéma de Douarnenez.

 

Comment est née Amandla ?
Amandla est une revue qui critique les mesures néolibérales prises par le gouvernement, ainsi que la manière dont la fin de l’apartheid a été gérée. Beaucoup de journaux progressistes qui foisonnaient dans les années 1980 se sont tus : beaucoup de militants ont été avalés par les tâches de reconstruction de ce qu’on a appelé une « Nouvelle Afrique du Sud ». De plus, on était dans la fin de l’URSS et des pays du bloc soviétique et l’ANC a mis en place une politique néolibérale. Il était très difficile de réagir à cette nouvelle ligne, vu le prestige de Mandela. À partir de 2002, de nombreux mouvements sociaux se sont exprimés. Le Congrès des syndicats sud-africains (Cosatu) a gagné de nombreux militants et commencé à réagir. Dans l’alliance qui avait mené à la victoire sur l’apartheid, qui comprenait l’ANC, le Cosatu et le PC, c’était l’ANC qui jusque-là avait le leadership. Les syndicats ont donc commencé à avoir une certaine indépendance.

À la même époque, la question du sida a donné lieu à l’émergence de groupes autonomes et populaires, tels que le TAC (Traitment Action Campaign) organisant la lutte pour que le peuple sud-africain ait accès aux trithérapies, contre les positions que diffusait à l’époque le gouvernement de Mbeki. Il avait bien d’autres difficultés comme les privatisations, les pertes d’emplois, la montée du chômage, les attaques contre les services publics…
Le gouvernement qui s’est mis en place à la fin de l’apartheid n’a pas nationalisé mais a fait la promotion d’un capitalisme noir : il fallait que les noirs aient des responsabilités, que certains d’entre eux aient une partie des valeurs des entreprises. Cela a donné lieu à de nombreuses critiques qui se sont cristallisées sur le désaveu de Thabo Mbeki et donc le soutien à son adversaire : Jacob Zuma.

Amandla est née en juin 2007 pour essayer de réunir la pluralité des courants à gauche en commençant par des militants indépendants, des membres des syndicats ou du PC. Des collectifs éditoriaux se sont créés dans toutes les grandes villes. Pendant ce temps, Zuma arrivait au pouvoir et le PC ainsi que le Cosatu se ralliaient à lui, en pensant qu’il offrait une alternative. Nous étions en désaccord. Zuma n’était pas différent des autres leaders de l’ANC.

 

Quel bilan tirez-vous de la politique agraire du gouvernement ?
5  % seulement des terres ont été récupérées et redistribuées. De grandes entreprises agricoles emploient des centaines de travailleurs. Cela n’est pas dû à une simple lenteur administrative ou à des problèmes de gestion ou d’incompétence économique, mais à la volonté politique de ceux qui détiennent la terre et le pouvoir économique.

Et la dette ?
Nous sommes pour l’annulation de la dette qu’a laissée le régime d’apartheid. De Klerk1 a laissé une facture de 20 milliards de dollars. Cette dette est détenue par une agence gouvernementale, un fonds de pension. Il a été proposé de suspendre les intérêts, ce qui n’appauvrissait personne. Le gouvernement a refusé alors qu’il existe une possibilité déjà utilisée sur le plan international de refuser une « dette odieuse » prise en dehors de tout accord de la population.

Que reste-t-il de l’influence des luttes menées par les femmes aujourd’hui ?
C’est une tragédie : l’héritage issu des luttes contre l’apartheid s’est évaporé. Les militantes ont été également absorbées par les appareils institutionnels. Malgré les lois, qui introduisent une certaine discrimination positive, les femmes sont les premières touchées par le chômage. Dans les ex-bantoustans, qui étaient des réservoirs de main-d’œuvre, elles se trouvent seules pour réagir face au sida et à l’ampleur du nombre d’orphelins. En plus de l’oppression patriarcale, elles subissent les conséquences de la situation économique et sont discriminées en fonction de la couleur de leur peau. Trois aspects des luttes féministes perdurent néanmoins : la lutte contre la violence contre les domestiques, la lutte contre le sida qui a été très importante et touchait particulièrement les femmes et la lutte des homosexuelEs, en particulier des lesbiennes : le « viol de correction » qui existait pour « corriger » les choix sexuels des lesbiennes est maintenant interdit.

Quelle perspective, aujourd’hui ?
Beaucoup de militants désillusionnés par l’ANC et sa politique ou par le PC qui appuie Zuma ont créé une organisation au début de cette année : le Democratic Left Front ! Tout cela est bien sûr lié au mouvement social : il y a énormément de manifestations, de protestations de tous ordres aujourd’hui en Afrique du Sud.

Israël avait de forts liens avec l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Cela a-t-il changé ?
Ces rapports persistent. Il existe des liens au niveau des ambassades et des appareils militaires. Cela n’empêche pas cependant la campagne de boycott organisé contre les produits israéliens : une entreprise sud-africaine fabrique des éléments du mur et nous menons une campagne pour que ces accords commerciaux soient revus et supprimés. Un ancien ministre a d’ailleurs rejoint la campagne de boycott. Le tribunal Russel qui s’est constitué sur la question de la Palestine tiendra sa prochaine session chez nous, en Afrique du Sud.

1. Frederik de Klerk était président d’Afrique du Sud sous le régime d’apartheid puis vice-président jusqu’en 1996 alors que Mandela était président.

Publié dans International...

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