Rockeurs, militants, habitants ensemble pour un large rassemblement en défense de la forêt de Khimki...

Publié le par NPA 06 Ouest

Evguenia Tchirikova, leader du mouvement de défense de la forêt de Khimki (banlieue de Moscou) n’aurait jamais imaginé se retrouver devant pareille foule et parmi de telles personnalités, lorsqu’elle a commencé son combat, presque en solitaire, il y a deux ans désormais. Alors qu’elle se promenait avec ses deux enfants en bas âge, elle avait alors été choquée par les panneaux annonзant les futurs abattages dans la forêt de Khimki pour permettre la construction d’une autoroute reliant Moscou а Saint-Pétersbourg. « Nous ne sommes pas contre la construction de l’autoroute, nous sommes pour un tracé alternatif, qui épargne la ceinture verte autour de Moscou », répète-t-elle inlassablement pour faire taire les méchantes langues qui accusent les défenseurs de la forêt de bloquer le progrès technique. Elle l’a répété encore une fois le 22 août dernier, sur la place Pouchkine, devant une foule de plus de 3000 personnes venue soutenir le combat des habitants et militants écologistes contre le lobby politico-financier soutenu par les plus hautes instances du pouvoir puisque c’est le Premier Ministre Vladimir Poutine qui a signé l’autorisation du chantier.

 

Cette lutte, partie d’une initiative citoyenne d’habitants de la région, se heurte а de brutales répressions et au « mur de la corruption », ainsi que l’appelle Eveguenia. Aussi est-elle devenue « un symbole de la lutte citoyenne contre l’arbitraire de l’Etat ». C’est ce qui explique pourquoi, dimanche 22 aoыt plus de 3000 personnes sont au rendez-vous, malgré tous les efforts du pouvoir pour interdir le concert et discréditer ses organisateurs. Il s’agit d’une des plus importantes manifestations citoyennes de ces dernières annйes, organisée en-dehors des structures partisanes bureaucratiques et rassemblant un cercle très large d’associations, de mouvements sociaux et de personnalités du monde de la culture, pourtant réticentes jusque-là à s’afficher en public dans des manifestations а caractère oppositionnel.

 

A l’approche de la place Pouchkine, les manifestants étaient retardés, et pour certains arrêtés, par des dizaines de cars de police et des OMON (unité anti-émeutes) équipés de casques et de gilets pare-balles stationnés tout autour de la place. Une énorme file d’attente s’est ainsi formée aux accès de la place barricadée, mais les gens ont patiemment fait la queue et attendu que les forces de l’ordre veuillent bien les laisser passer.

 

Ils ont attendu également plus d’une heure avant de pouvoir entendre ne serait-ce que vaguement les voix des orateurs et ceux des chanteurs prévus а ce concert militant. Car la mairie de Moscou avait interdit la partie musicale du rassemblement, et la police a bloqué l’accès а l’équipement sonore. L’un des initiateur du concert, Iouri Chevtchouk, chanteur culte du groupe mythique des années Péréstroïska DDT, a donc ouvert la manifestation sans même un micro. Debout sur un escabeau, guitare а la main, il s’est déchiré la voix à chanter quelques-unes de ses chansons les plus connues qui étaient reprises en chœur par une foule brandissant des drapeaux et des pancartes aux slogans écologistes et politiques.

 

Les personnes les plus éloignées de la scène n’entendaient rien, mais reprenaient en chœur les slogans : « Du son, du son ! », « Pas touche à notre forêt ! », « C’est notre pays ! », « la Russie sans Poutine ! », « Libérez les otages de Khimki ! » (allusion aux deux jeunes militants gauchistes et anarchistes, arrêtés le 29 juillet pour leur participation au soi-disant « pogrom » de la Mairie de Khimki). Pendant trois heures les gens ont levé le poing, frappé dans leurs mains, scandé leur voix retrouvée malgré l’absence de sono. Retraités et jeunes, anarchistes, communistes et libéraux, politiques, associatifs et stars du rock, tous communiaient dans l’idée, répétée par plusieurs orateurs, d’une mobilisation citoyenne en marche contre l’arbitraire du pouvoir, pour la dignité humaine, la solidarité, les libertés politiques et la démocratie.

 

Loin des manifestations de l’opposition libérale dite radicale, tant par son ancrage dans les préoccupations quotidiennes des gens que par le large éventail des manifestants et organisations représentées, ce rassemblement a des chances de faire date dans l’histoire des mobilisations citoyennes post-soviétiques.

 

Car ainsi que l’a déclaré le chef d’orchestre du meeting-concert, Artemi Troïtski, la manifestation a pris un tour politique et oppositionnel contre la volonté des organisateurs eux-mêmes, à cause de la « bêtise » des représentants du pouvoir qui ont interdit le concert, à cause de l’arbitraire de répressions contre de simples habitants qui ne commettent d’autres crimes que d’oser élever leur voix contre des projets politico-économiques décidés sans eux et contre eux.

 

Carine Clément, le 23 août 2010.

Publié dans International...

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